Pourquoi sauvage ?
L’attrait du sauvage répond à la tentative d’échapper au monde tel qu’il est façonné et aménagé par l’homme. Avoir envie d’être là, où la quasi-absence de traces humaines permet à l’imaginaire de s’évader et de s’affranchir des réalités et du rythme de la vie en société ; mais c’est avant tout une recherche esthétique et un besoin de se ressentir seul, en intimité avec la nature. C’est enfin une fuite, celle de la souffrance réveillée par la conscience d’une nature surexploitée, agressée, forcée, défigurée, polluée, mutilée, détruite…
« Le vagabond enjambe l’idéologie et les clôtures qui toutes deux empêchent de voyager. Il ne veut en rien changer le monde qui l’entoure, il veut réussir à le fuir le plus esthétiquement possible. » Sylvain Tesson. Petit traité sur l’immensité du monde
Pourquoi proche ?
Le sauvage dont il est question c’est celui d’à côté, de derrière la maison, d’après le pas-de-porte. Il est révélé par une démarche de micro-exploration des alentours. Le proche, c’est aussi la recherche du photographe de s’approcher ou de se laisser approcher par la faune sauvage pour mieux en capter la beauté et les détails, pour découvrir et admirer à travers l’image, ce que l’œil seul ne parvient pas à voir. Le terme évoque également le besoin d’être en lien, pas seulement avec la nature et les éléments, mais avec les autres êtres humains, les proches. C’est l’image qui fait le lien en permettant le partage de l’expérience intime et solitaire dans la nature sauvage.
« Cette découverte sur un petit périmètre, à mon rythme, me permettait aussi, après une période de solitude, de revenir le soir au village et de voir du monde. De là est née une de mes devises : découvrir le proche pour ne pas s’éloigner de ceux qu’on aime. » Pierre Corajoud. Le temps d’une flânerie, Impression d’un aventurier du proche
À la foi proche et sauvage
Vous l’avez donc compris, c’est un peu de moi dont il s’agit. C’est aussi la nature de la région dans laquelle je vis, où l’on peut encore trouver des espaces de nature « sauvage », mais sans qu’il ne soit possible de réellement s’éloigner des infrastructures et des grandes concentrations humaines. Proche et sauvage c’est un mouvement, une recherche d’équilibre entre deux natures : l’humain et le sauvage.
« Quand on est en lien avec la nature, on est jamais seul » Réflexion personnelle.
Ma démarche photographique :
Au début, j’ai utilisé l’appareil photo comme un moyen pour m’aider à ralentir et à m’arrêter dans la nature. Je souhaitais avoir un contact plus contemplatif avec mon environnement alors que j’étais toujours en mouvement et avais du mal à trouver la patience de rester immobile.
Puis avec les premières images d’oiseaux au téléobjectif, j’ai été impressionné par la beauté qu’elles exprimaient. L’appareil photo est aussi devenu un moyen pour mieux voir et mieux observer la beauté et les comportements de la faune sauvage.
Rapidement mon changement de comportement dans la nature a multiplié les rencontres avec les animaux. Tout un monde invisible s’est alors révélé à mes yeux. Ces contacts avec la vie sauvage provoquent des émotions d’une intensité telle qu’ils sont vite devenus indispensables.
J’ai aussi découvert le plaisir de voir l’impact de mes images sur mon entourage. Les réactions d’étonnement, d’émerveillement, d’admiration. J’ai reçu beaucoup de compliments et partager mes images est également devenu une source forte de satisfaction.
La pratique de la solitude et de l’inaction m’ont encouragé à accueillir le vide, à nourrir mon dialogue intérieur, à aimer le silence des grandes forêts jurassiennes.